Contexte du jeu
Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? On est enfermés. La vie est pas désagréable, pour sûr ; c’est seulement les caméras. Il y en a partout, dans chaque recoin, dans chaque pièce, à chaque carrefour. Ça s’oublie facilement, remarquez – au bout d’un moment, on a même plus conscience d’être observés. Quoique j’imagine que ce serait moins facile si on savait qui nous regarde à travers les écrans. Vous êtes sûr que vous voulez pas une bière ?
- Comment tout ça a commencé ? -Je suis là depuis le début. La première fournée, en fait, un vieux de la vieille, quoi. On était pas beaucoup. On nous a sortis de ce fourgon, ils nous y avaient entassés, les types de la Police Générale, on nous en a sortis et on nous a laissés dans cette sorte de vieux village. Il était totalement inhabité, et on avait rien. Vous voyez nos têtes, hein ! Les maisons étaient encore debout, mais en sale état, fallait pas aimer l’hygiène. Un peu après, on a capté qu’il y avait aucune sortie. La seule ouverture dans le mur de barbelés, c’était la porte, et dans le genre cadenassée, y’a pas vraiment mieux. On a pas les clefs, forcément. On pigeait pas trop, au début, jusqu’à ce qu’on voit le tag sur la pancarte : Šayṭān. Ils nous avaient envoyés à Šayṭān, bon dieu. Moi, je suis vieux, alors je me souvenais de l’histoire. C’était il y a cinquante, soixante ans… Il s’était passé des trucs bizarres, des changements climatiques, des trucs un peu-, vous voyez le genre… C’est pour ça que les gens avaient surnommé le village comme ça, d’ailleurs, un nom de diable, rien de moins. Pas très original, les gars en ce temps-là, hein ? Bref, à l’époque ils avaient vidé la ville. Et là, on nous y enfermait.
- Pourquoi ? -Mais parce qu’on était différents, évidemment Vous débarquez d’où ? Ils sont vachement tolérants, les beaux Etats-Unis d’Amérique, hein, mais pas pour nous, pour sûr. Paraît que quand on a peur, on devient méchant. Ils avaient peur de nous, ouais. Je les comprends, d’un côté. Merde, je me faisais peur à moi-même, certains jours. Comment vous dire… Vous allez pas vous enfuir, hein ? Bon. On est nés différents. Vous avez pas entendu les campagnes de pub ? Tous les nouveaux ici parlent que de ça. « Si une personne de votre entourage correspond à ce signalement, veuillez nous contacter au : », et puis un numéro de téléphone gratuit, forcément. « Pour la sécurité publique », ils disent. Différents, ouais. Ok, bon, voilà, le truc c’est que- Vous êtes vraiment au courant de rien ?! Ouais, pardon. Différents. On a des dons.
- … -Des dons. Je sais pas, moi, des dons. Moi, je multiplie les choses. C’est vachement utile avec la bière. Les autres font tout un tas de trucs. Y’en a un dans le coin qui sait voler, par exemple, vous voyez ? Je sais pas comment ça a commencé. Personne sait, je crois bien, c’est ce qui leur fait peur à tous. On est nés comme ça, c’est tout. Je fais partie des premiers qui ont été repérés. Ils nous ont envoyés ici pratiquement tout de suite, dès qu’ils ont compris qu’on était pas des cas isolés. Je suppose que ça leur faisait d’une pierre deux coups – ils envoyaient des indésirables dans un endroit indésirable, et dangereux, c’est clair. L’idée du siècle, hein ?Les fourgons passent régulièrement. Y’en a qui apportent des nouvelles fournées, des jeunes et des moins jeunes qu’ils viennent d’attraper, et qu’ils enferment ici avec nous. Pour la nourriture, un hélico vient larguer de quoi manger, et boire aussi ! De la piquette, mais c’est déjà ça, vous voyez ? On meurt pas de faim, comme ça. Je me demande pourquoi ils nous gardent en vie.
- Vous m’aviez parlé des résistants… -Ah, ouais, les résistants. Je vous ai dit ça, mais je suis même pas sûr qu’ils existent vraiment, hein. Je sais qu’il y a eu des disparitions, dès le début. Deux mecs, qu’on a plus revus. Ils étaient dans ma tournée. Y’a des rumeurs qui disent qu’ils ont trouvé un endroit sans caméra, et qu’ils préparent un truc. Mais ça fait dix ans que je suis là, vous savez… Et même si des fois, on voit des types louches sortir la nuit, y’a jamais personne qui s’est évadé, pour sûr. Et y’a jamais personne qui s’évadera. Si ces types existent, ils sont tarés. Mais je pense qu’ils existent pas. Ou bien qu’ils existent plus. Et puis y’a les autres, aussi. Les normaux. Y’en a pas beaucoup. Ceux-là, on les a trouvés en arrivant. Je crois que les flics étaient même pas au courant qu’ils étaient là, et qu’ils le savent toujours pas, d’ailleurs. C’est, comment dire ça, des marginaux, vous voyez ? Des indésirables, eux aussi, à leur façon. Ils sont partis de chez eux et ils sont venus là. Ils se cachent quand les fourgons arrivent.Entre nous et eux, c’est un peu tendu, forcément. Y’en a qui sont pas si mal, mais reparler avec des normaux après tout ce temps… C’est des gens comme eux qui nous ont enfermés, vous comprenez. On peut pas faire confiance à ces gens-là.
- Est-ce qu’il y a eu des changements, dernièrement ? -Vous parlez comme si vous saviez. Bon dieu, vous seriez pas du gouvernement, des fois ? Ouais, il y a eu du changement. Y’a un mois, en fait. Y’a des gens qui sont arrivés. Quand ils sont descendus du fourgon, on a capté que c’était pas des dotés comme nous. C’était pas des dotés du tout. C’était des médecins. Des docteurs, des chercheurs, des gens savants, quoi. Les caméras leur suffisent plus, ils viennent nous voir. Les gens parlent de plus en plus. Y’en a qui veulent chercher les résistants. Ca va mal finir, cette histoire. Je vous dis, je vous dis, ça va mal finir.
Contexte rédigé par Dawn